In vino Veritas

Situé sur la rive droite de la rude montée des Trieux (actuellement Les Tris), l'endroit se révélait favorable : terrain caillouteux au schiste affleurant, bien drainé, pentu à près de 13% (ce qui garantit un ensoleillement supérieur), il ne manquait plus à Louis que l'audace de se lancer dans l'aventure. Ce qu'il fit en 1973, après 2 ans d'occupation de son terrain.
L'affaire ne manquait cependant pas de risques : ses connaissances en la matière était au point zéro. Mais au fond de lui-même il se sentait capable de réussir ce que d'autres avaient réussi dans le passé.
D'où tirer le "savoir-faire"? Les livres, la rencontre avec les Cordeliers de Saint-Vincent, des cours d'œnologie, des contacts avec des vignerons français et luxembourgeois, lui apportèrent les rudiments que complèteront progressivement une observation attentive de ce qui se passait et un apprentissage "sur le tas" par essais et erreurs.
Le choix des cépages fut la première rencontre avec la difficulté : les dix premiers plants originaires de Flandre se révélèrent inadaptés ; certains autres comme des Rieslings de Remich n'arriveront jamais à maturité suffisante. Il fallait plusieurs années pour trouver ceux qui étaient capables de produire dans nos régions et arriver à un résultat satisfaisant.
Actuellement le vignoble comprend 248 pieds de vignes de raisins de cuve et 5 pieds de raisins de table.
Muller-Thürgau, Chardonnay, Sieger, Chasselas, toute une série de noms plus ou moins prestigieux qui tantôt donnent un vin très typé, tantôt assurent un mélange riche en arômes divers.
La première vinification date de 82, ce qui signifie près de 10 ans de recherches, d'essais, d'échecs, de corrections diverses.
Louis construisit alors un chai de 16 m2 avec une cuverie thermorégulée de 4 m2 .
C'est que le travail n'est pas une mince affaire !
Il y a d'abord l'investissement financier qui est important : piquets, fils, tendeurs, filets de protection (+/- 800 m2) ; matériel de vinification : cuves, presse, filtres, fouloir-égrappoir (qui permet de séparer le raisin de la rafle), une partie de ces équipements étant en co-propriété avec un collègue de Vitrival.
Investissement en temps : taille d'hiver, taille de printemps plus importante, plus pointue car c'est elle qui va amener le fruit et qu'il faut bien placer pour éviter les dernières gelées ; le rognage d'été qui se pratique tous les 10 à 12 jours, limitant ainsi la végétation au nombre de feuilles suffisant à la photosynthèse, c-à-d. la transformation des acides du raisin en sucres ; surveillance de la floraison, pose des filets pour éviter la gourmandise avicole ; traitements divers, entre autres au soufre ; mesure de l'équilibre entre sucres et acides, équilibre toujours précaire que l'on établit presque journellement à partir de 100 jours après la floraison qui s'avère être la date indicative des vendanges.
Vendange ? Mot magique. La consécration d'une année de travail auquel Louis et son épouse vont s'attaquer mais qui recouvre des opérations très délicates : tous les raisins ne sont pas en même temps à maturité ; le raisin blanc et le raisin rouge ne se récoltent pas au même moment.
Vient ensuite le début de la fermentation. L'opération demande de l'attention car la couleur du vin dépend de la durée de contact entre le jus et la peau : le vin blanc ne souffre aucun contact sauf s'il est issu de raisins blancs ; le vin rosé demande un contact de quelques heures et le vin rouge requiert une macération plus importante : plusieurs jours voire plusieurs semaines.
Une fois le raisin blanc pressé, son jus débute à 18-20°C sa fermentation alcoolique c-à-d. la transformation des sucres en alcool grâce à l'introduction de levures sélectionnées qui démarrent le processus.
Le raisin rouge n'est pas pressé, mais mis en cuve de fermentation à 25-30° dans la cuverie jusqu'à transformation totale des sucres en alcool. La surveillance de l'évolution de la fermentation se fait au moins trois fois par jour par des mesures de densité et de températures.
Viennent ensuite pour le vin blanc, le soutirage, la clarification au lait écrémé, le filtrage et la mise en bouteille. Nous sommes à ce moment fin décembre, début janvier.
Pour le vin rouge, après la fermentation alcoolique, le vin est écoulé et le marc constitué des baies est pressé ; un premier soutirage est ensuite opéré. Le vin est alors remis en cuve à 18° dans la cuverie pour effectuer une seconde fermentation dite malolactique qui va transformer les acides maliques qu'il contient (à goût de pomme) en acide lactique qui lui confère son acidité définitive.
Ceci durera jusqu'à fin mars. A ce moment se réalisent un autre soutirage, une clarification au blanc d'oeuf, un nouveau soutirage suivi d'une filtration avant la mise en bouteilles. Nous sommes en ce moment en mai-juin au plus tôt.
Les bouteilles sont lavées puis désinfectées. Une fois les bouchons placés, elles sont "habillées" puis couchées dans un caveau adéquat afin que le vin puisse vieillir avant d'être dégusté.
Peu d'amateurs de vin réalisent la longueur et la complexité du travail qui amènent leurs bouteilles sur la table.
Pour Louis, tout est plaisir dans ce travail et spécialement celui de la fierté de réaliser quelque chose de "pas banal" et de "pas simple".
Ajoutons à cela celui de la dégustation personnelle ou avec des amis, une certaine consécration aussi comme par exemple l'obtention de deux Médailles d'Argent lors de la dégustation annuelle à l'aveugle gérée dans le cadre des activités des Cordeliers de Saint-Vincent pour son "Grand Vin du Terroir" bien nommé "Coteaux du Landoir".
Tout n'est pas rose non plus dans cette activité. Certains vins vieillissent bien, tel celui de 89 auquel les copains ont droit s'ils passent par un jour de grâce. Par contre, les vins de 1993, 2000 et 2001 refusent de vieillir et sont juste bons à grossir les eaux de la Sambre.
La principale difficulté rencontrée est cependant, indépendamment des conditions climatiques, la lutte contre les maladies cryptogamiques (champignons), oïdium et mildiou, agravée parfois par un manque de compréhension du voisinage inconscient parfois des incidences néfastes d''une végétation incontrôlée sur une culture tellement minutieuse et délicate.
Mais ce qui compte, c'est le précieux nectar obtenu dans le vignoble. Certains dont je suis, ont eu le privilège de le déguster.
S'il vous arrive de croiser Louis Courtoy et que vous engagiez avec lui un brin de conversation, vous découvrirez vite que vous avez devant vous un passionné de viticulture, de vinification, quelqu'un que n'ont pas arrêté des années de résultats mitigés, quelqu'un qui a su communiquer sa passion à plusieurs collègues, quelqu'un qui aime faire de la fête de Saint-Vincent, patron des vignerons,une rencontre de dégustation ou un "repas des vignerons", quelqu'un de rigoureux, de vigilant, ne laissant rien au hasard ou reporté au lendemain.
Si devise il a, c'est : "Quans le raisin est mûr, il faut le vinifier et le bien faire car il ne vous pardonnera aucune maladresse".Avec la suite évidente : "Quand le vin est tiré, il faut le boire" et le boire à plusieurs ne fait, à ses yeux, que donner du prix au divin nectar de Bacchus. J.Lorant