Ne leur dites pas que je joue de l'accordéon… ils me croient dessinateur de BD

Artiste dans l'âme, dans les doigts surtout, Pierre-Yves Berhin affiche un peu plus aujourd'hui ce qu'il a longtemps pratiqué dans le plus grand secret… laissant même ses plus proches copains de classe dans l'ignorance. Pensez donc… l'accordéon n'a pas nécessairement bonne presse dans les représentations de tout un chacun. Le diatonique, c'est une sorte d'harmonica et son jeu tout en " poussé-tiré " n'a rien à voir avec les mouvements langoureux de l'instrument musette. Mais, tout de même… quand on est ado, avouer aux copains qu'on joue de l'accordéon… Alors, pour Pierre-Yves, la carte de visite sera plutôt celle du dessin. Sur le tee-shirt de sa promotion de rhéto, tout de même, il osera avouer, à côté d'autres qui pensent à des études d'ingénieurs, de journalistes, d'interprètes, de pharmaciens : " Plus tard, je serai dessinateur-musicien ".

Tout comme sa sœur (voir notre article d'avril), Pierre-Yves a bénéficié d'un cadre familial porteur en matière de musique traditionnelle. Dès ses six ans et demi, ses parents sont priés de trouver un instrument pour remplacer la boîte en carton et ses deux ficelles qui n'a pas longtemps donné le change à l'enfant bricoleur. Coup de chance, un castagnari d'occasion est à vendre par un clown musicien qui s'expatrie au Canada et qui ne peut emporter que 20 kilos de bagage. L'instrument de petite taille est excellent pour démarrer. Philippe Lebeau, accordéoniste dans le groupe de Papa va accompagner les débuts pendant six années. A ces cours réguliers, se rajoutera la participation à des stages à Borzée, haut lieu belge de la formation folk. Ses profs : Louis Spagna (Rue du Village), Martine Gensterblum (Trivelin), Christian D'Huyvetter (Berwette/Sergent Benoît). Il use ses culottes avec Didier Laloy qui s'envolera rapidement vers la carrière professionnelle, notamment avec Urban Trad. A ses débuts, Pierre-Yves accompagne, lui, la confrérie jamboise des Masuis et Cotelis. Il découvre alors le répertoire wallon. Il participera au Festival du Puy en Velay (France1997), aux Européades à Martigny (Suisse 1997) et Rennes (France1998). C'est l'époque où il s'accoquine pour la première fois avec d'autres jeunes musiciens. Il fonde Crépuskull avec des amis bruxellois (accordéon, flûte, tuba, percu et violon) puis Folkaprika (musique de rue) avec des musiciens namurois (Accordéon, violon, flûte traversière et percussion). Ils font la manche à l'heure du marché matinal, le samedi… C'est le début du travail de composition.
C'est en mai 2001 que les choses démarrent vraiment. Sa rencontre avec Rémi Decker, à Flanders ethno, et leur premier prix au Speelmans treffen (concours de Gooik) est un bon tremplin. On les retrouve ensuite l'été suivant, sur la scène de Saint Chartier (Centre France) où ils remportent à nouveau la première place du concours de duo cornemuse-accordéon. Repérés par la communauté flamande, ils enregistrent deux ans de suite sur des compiles de groupes prometteurs : les CD " Dansendfolk " et " Jongfolk ". C'est à ce moment que Didier Melon (RTBf) leur propose une participation sur le quatrième disque de l'émission " Le monde est un village ". S'en suivent des concerts de promotion au Théâtre 140 (Bruxelles mai 2003) et diffusé sur La Deux, au Festival de Huy et à Dranouter (en juillet et en Août 2003). Mais Pierre-Yves sait associer les styles. Son incorporation au groupe de folk-jazz (BUB) en est un excellent exemple. Six musiciens sur scène : sax, accordéon, guitare électro-acoustique, basse, cornemuse et batterie. Un genre explosif qui n'est pas sans rappeler Combo belge (générique de Striptease) notamment. Deux disques à leur actif, déjà. Et un concert mémorable au Viljandi Folk Festival en Estonie, svp ! C'était en 2002. Et puis, ces derniers mois, le travail d'un répertoire de musique à danser du Béarn, du Berry et de l'Auvergne avec Arnaud Degimbes (cornemuse et cabrette) et l'incorporation progressive de John Liton Baroï, un chanteur Bengali, au sein de 'KVMB. Voilà qui ouvre à de nouvelles sonorités. Eclectique, il est. Eclectique vous retrouverez Pierre-Yves au détour d'une festivité malonnoise, puisque sa dernière approche musicale du moment est le trio " Camping sauvage " avec son pote violoniste de Folkaprika, Jean-François Durdu (archet du groupe Ceili Moss) et Mathieu Hendrick (guitare)… qu'accompagne volontiers une bande de jongleurs… tout feu, tout flamme.

Encadré :
Je me sens belge
" La musique de 'KVMB (Ik voel me belg) est totalement apolitique et l'appelation est une note ironique quant à cette vague celtico-commerciale et à l'absurdité qui coupe la Belgique en deux... ". C'est eux qui le disent ! On retrouve cette gavroche dans les quatre airs interprétés sur le disque " Elles dansent nos racines ". " Tête froide " est une compo de Pierre-Yves. " Le complexe du double rond-point " en est une autre de son comparse Remi Decker. Le premier un air en duo : cornemuse/accordéon avec Renaud aux percu et Alon à la basse. Le second, un déjanté 7/8 comme on en trouve dans le répertoire hongrois notamment. Avec les musiciens de Folkaprika, c'est la même veine. " Carlama " est un traditionnel d'Europe centrale, lui aussi. Et " Den Troll ", à nouveau une composition de Pierre-Yves, l'inspiration lui étant venue lors d'un séjour dans le pays flamand de Schoten (Anvers), devant l'estaminet du même nom.

Double CD toujours disponible à l'agence malonnoise de Dexia - 20 euros.