Grand Feu

Pour les nôtres tout était donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, et Papy Bouboule figeait des nuits heureuses à l'ombre lunaire de la forêt de la Marlagne. Depuis longtemps il ne craignait plus rien ni personne. Jusqu'à ce jour maudit…
Jusqu'à ce jour maudit de mars 2002 où des affreux spécimens de cette tribu en décidèrent autrement. Il faut bien te dire que dans cette tribu bizarre, il y en avait de plus bizarres encore que d'autres, ne craignant eux non plus, rien ni per-sonne (Et m… à tous ceux qui s'en moquent, et ne veulent pas en faire partie). Ces redoutables fraîchement baptisés se faisaient appeler Aumougneux, de festin en festin et de réunion en réunion on pouvait entendre leurs rires et voir leur bonne humeur… qui ne valait rien de bon pour les nôtres.
Tout guillerets de leur première Cabusaille, ces confrères retroussèrent leurs manches et déclarèrent pour de bon la guerre à Papy Bouboule et à ses congénères ! La lutte ne fut pas longue : pris par surprise, Papy Bouboule, le papy du papy de mon grand-papy, se retrouva englacé.
Rendez-vous fut alors pris avec tous les membres de la tribu pour ce funeste samedi 16 mars. En deux-trois réunions, tout fut prévu : tentes, tables, bar et bières, pains-saucisses… et du bois, beaucoup de bois. Alors qu'il avait fait un ma-gnifique petit froid jusque là, même le soleil décida méchamment de se mettre de la partie ce samedi-là.
Le soir venu, partie des cinq coins du village (je te l'ai dit que c'était vraiment des bizarres), la tribu se raconta des his-toires de sorcières, pour faire une dernière fois comme si... Et à 21h tapantes, ils étaient des centaines à ricaner au pied d'un gigantesque tas de bois. Au sommet, en lieu et place de la traditionnelle sorcière, ils avaient ficelé… Papy Bou-boule. Le pauvre tenait bon, mais on venait de mettre la flamme au bûcher : haut perché, il pouvait voir et entendre les dizaines d'enfants massés au premier rang applaudir à son supplice. Papy Bouboule vendit chèrement son eau : dix fois déjà il avait entendu dire dans la foule : " Ca y est, il brûle ", mais à chaque fois, d'un coup de glaçon bien placé, il avait rejeté les flammes.
Il avait bien combattu, pour l'honneur des nôtres : enflammé de toutes parts, il s'en alla dans les dernières vapeurs, n'entendant plus les applaudissements de la foule déchaînée, qui fêta la victoire de la tribu jusque tard dans la nuit, par des chants plus bizarres les uns que les autres. Le lendemain le soleil pouvait se sauver et laisser à nouveau la place au froid : c'était trop tard pour Papy Bouboule.

C'est ainsi vois-tu, mon petit bonhomme de neige, que les hommes reprirent les hostilités contre nous et firent la paix avec les sorcières. Et depuis ce printemps 2002, il est bien difficile aux bonshommes de neige de faire de vieux cristaux.

Allez mon petit flocon, reste bien à l'ombre, le soleil est particulièrement méchant en ce mois d'avril…

Michel Gofflot

 

Mise à feu

Il fait déjà bien chaud...

L'ambiance est assurée

Une petite faim...